Appel à communication

DC6F7066_E536_4BC9_906F_8FD02668FC9F.jpeg

LES RAISONS D’UNE THÉMATIQUE

À l’occasion de ce 1er colloque international, qui se tiendra du 13 au 14 mai 2022 à Rabat, nous souhaitons travailler à une visibilité plus nette du projet scientifique de la section « AIRDF-Maroc » en voie de constitution. En prenant acte de l’exigence d’élargir le champ de la recherche en didactique du français au Maroc, cette section, à l’image des autres sections déjà constituées, est appelée à inscrire son projet scientifique dans les orientations de recherche fondatrices de l’AIRDF (Falardeau et al., 2007 ; Daunay, Reuter & Schneuwly, dir., 2011 ; Dumortier et al., 2012 ; Aeby Daghé et al., 2019 ; Tremblay et al., 2020 ; Denizot & Garcia-Debanc, dir., 2021 ; Kervyn et al., à paraitre). Le point de mire de cet élargissement sera de renouveler, en la contextualisant, la réflexion sur les contenus d’enseignement et d’apprentissage référés/référables aux disciplines scolaires (Reuter et al., 2007/2013 : 69 ; Reuter, 2019). 

Cette réflexion est consubstantiellement liée à la prise en compte des spécificités, explicites ou implicites, des disciplines (Daunay, Reuter & Thépaut, dir., 2013 ; Daunay, Fluckiger & Hassan, dir., 2015) et des contextes institutionnels (Aeby Daghé & Guernier, dir., 2018), et à la nécessité fondamentalement théorique, pour les didactiques en général, d’interroger les contenus disciplinaires « considérés en tant qu’objets d’enseignement et d’apprentissages » (Daunay & Reuter, 2013 : 22). Les recherches qui émanent de cette réflexion sont au cœur d’un vaste programme scientifique privilégiant le caractère « construit en situation » des contenus disciplinaires du français (Ronveaux & Schneuwly, 2007 : 58 ; Schneuwly & Dolz, 2009 : 10). L’intérêt est portée, empiriquement, par des démarches d’historicisation, d’analyse et de description, aux manières dont les contenus de la discipline « français » se (re)constituent, se (re)configurent, se (dé)hiérarchisent, s’articulent les uns aux autres et évoluent à travers les différents niveaux de scolarité, et au fil des réformes ou contre-réformes de la discipline et des espaces socioprofessionnels y afférents (a fortiori, celui de la formation initiale et continuée des enseignants).

De fait, si la didactique du français apparait aujourd’hui comme une « discipline consistante », aux questions théoriques denses et aux observations empiriques sans cesse renouvelées (Daunay & Reuter, 2008 : 74), le projet scientifique de la future section « AIRDF-Maroc » ne peut être conçu en dehors de la réflexion fondamentale sur la discipline « français ». Celle-ci peut aider à mettre au jour, dans la logique qui sera énoncée et développée ici, les spécificités nationales de la didactique du français, au-delà de toute considération simplement statutaire. Que le français soit envisagé, à titre officiel, comme « langue étrangère » (voir la Charte Nationale d’Éducation et de Formation, 1999), ce statut ne suffit pas, à lui seul, à résorber le problème des évolutions réelles, fluctuantes et sans doute plus complexes, de la discipline « français », sous l’impulsion des avancées des disciplines mères ou des disciplines contributoires (Daunay & Reuter, 2011 : 17-20) et de changements sociétaux plus larges. 

Ceci est d’autant plus évident que, si le statut assigné au français s’origine dans des visions idéologiques antagonistes ou des opinions politiques flottantes, voire dans des « tensions statutaires et conceptuelles » (Spaëth, 2008 : 64), l’ « objet-langue », comme l’entend J.-C. Beacco, se construit « en fonction de critères culturels/contextuels et de descriptions de référence situées en amont des programmes et des orientations » (Beacco, 2011 : 32). Cet objet s’actualise plus précisément au travers du processus même de sa « disciplinarisation » (Hofstetter & Schneuwly, 1999/2001, 2014, pour de plus amples développements sur la notion), processus inéluctablement différent selon les positionnements épistémologiques, les modes d’existence sociale et les formes institutionnelles de la didactique du français elle-même, entendue comme champ de formation et de recherche (Cadet, Rémy-Thomas & Tellier, 2006 ; Cadet & Guérin, dir., 2012). Au cœur des travaux de la didactique des langues, et plus particulièrement de la didactique du FLE, la question des « contextes sociolinguistiques » et des « cultures éducatives » est centrale et omniprésente (Castolleti, 2014), l’enjeu y étant de faire entrer dans le champ de la didactique « la pluralité des conditions de transmission des savoirs » et de connaître « le poids des facteurs nationaux, linguistiques, ethniques, sociologiques et éducatifs » qui « forment comme un ensemble de contraintes qui conditionnent en partie enseignants et apprenants » (Chiss & Cicurel, 2005 : 6). Sont pris en compte, fondamentalement, dans une perspective de « contextualisation didactique » (voir Delacroix, 2019, pour un état des lieux), les usages effectifs de la (des) langue(s) dans des situations de communication dites « authentiques », « produites ou imitées en situations de classes (contextes pédagogiques) de façon réaliste (contexte social) » (Rispail & Blanchet, 2011 : 68).

En s’intéressant à ces usages réels de l’objet-langue (ou de l’objet-langue-culture, pour nuancer), et à leur ancrage dans des « pratiques sociales hétérogènes contextualisées » (Blanchet & Asselah-Rahal, 2008 : 11), l’on admet a priori que les principes et les démarches d’enseignement sont (doivent être) ajustés à des « réalités locales », qu’elles soient culturelles, institutionnelles ou simplement pédagogiques, par-delà les écueils de la « linguistique appliquée » (Coste, 2006 : 18-19). En prenant acte du caractère plurivoque de la notion de « contexte », que l’on distingue souvent de celle de « situation » en didactique des langues, l’exigence de rendre compte, comme le souligne J.-P. Cuq, des « déterminations extralinguistiques des situations de communication où les productions verbales (ou non) prennent place » (Cuq, 2003 : 54), semble être justifiée par un présupposé théorique central : le fonctionnement des pratiques de classe et des institutions, les choix éducatifs qui les sous-tendent, sont conditionnés plus largement par « l’environnement sociolinguistique, culturel, social, voire économique ou politique » (Blanchet & Asselah-Rahal, op.cit. : 12). 

Or cet enjeu de contextualisation, porté par la didactique contextualisée, dite aussi didactique diversitaire (voir, entre autres, Huver, 2015 ; Castolleti et al., 2016) n’est pas suffisant, à lui seul, à saisir l’étendue et la complexité des problématiques de l’enseignement/apprentissage du français, vu que l’attention est centrée davantage sur la diversité des contextes d’utilisation que sur la pluralité des contextes d’élaboration de l’objet-langue. Par conséquent, le glissement du questionnement vers les contenus d’enseignement et d’apprentissages implique de recentrer la réflexion sur des dimensions proprement didactiques nodales pour la réflexion sur la discipline « français » envisagée ici comme une construction historiquement et socio-culturellement située, spécifiant les contenus du français « tel qu’on l’enseigne » (Garcia-Debanc, 2019) et spécifiée elle-même, en retour, par les contextes institutionnels dans lesquels ces contenus prennent corps, se déploient, s’assemblent, se combinent ou s’excluent les uns les autres, sous l’influence de transformations sociétales conditionnant les configurations et les fonctionnements de la discipline en elle-même. 

C’est dans cette perspective spécifique, propre à l’AIRDF, que s’inscrit ce colloque dont le caractère « international » ne fait que révéler les frontières rendues poreuses entre les didactiques du français, à supposer que l’usage au pluriel soit lui-même un bon révélateur de l’ouverture de l’AIRDF vers d’autres contrées francophones. Dans son texte d’orientation de 1998, l’Association pose comme centrale, entre autres, la question de « l’étude raisonnée de tout ce qui touche à l’enseignement dans ses diverses composantes » (Dufays, 1998 : 28). Pour la section marocaine, la question parait encore plus cruciale et plus déterminante dans la consolidation de son projet ; d’autant plus que, pour répondre le plus rigoureusement possible à cette finalité, l’enjeu est de partir d’un questionnement nuancé sur les contenus disciplinaires, les ancrages institutionnels et la (les) progression(s) curriculaire(s) de la discipline « français », dans un contexte national où les recherches didactiques, quoique proliférantes, sont peu reconnues et peu sollicitées par les instances décisionnaires (comme le Ministère de l’éducation nationale), pour élaborer, ou du moins penser, les curriculums et leur refonte. 

Cette exigence s’explique donc, de plein droit, par trois raisons principales :

La première raison, globale, est liée au statut scientifique et à l’inscription sociale des recherches didactiques supposées exercer une certaine « responsabilité » quant aux contenus de la discipline « français » (Martinand, 1989), mais aussi par rapport au « contexte même de l’institution scolaire et de son fonctionnement » (Audigier, 1986 : 6). La didactique du français, entendue en outre comme « discipline-charnière », se situe à l’intersection de deux « états de faits » : l’état de l’enseignement du français, et l’état des diverses sciences de référence (Bronckart, 1989), dites aussi « contributoires » (Daunay & Reuter, 2008). Si elle évolue, c’est bien en fonction de demandes sociales bien déterminées, conditionnant la légitimité, la recevabilité et la validité de ses discours de formation et de recherche.

La seconde raison, plus spécifique, est relative aux discussions déjà copieuses, y compris au Maroc (voir, entre autres, Sadiqui, 2018, 2020 ; Essaouri, Mabrour & Sadiqui, dir., 2019, à paraitre), autour de problématiques nourries de présupposés issus en partie de la sociologie du curriculum (Forquin, 2008), de l’histoire des disciplines scolaires (Chervel, 1988, 1998, 2006) et des didactiques des disciplines (Reuter, 2013, 2014 ; Dorier, Leutenegger & Schneuwly, 2013 ; Schneuwly, 2014). Ces problématiques concernent essentiellement la construction des contenus disciplinaires du français, qu’il s’agisse de contenus ancrés dans l’histoire de la discipline « français » et engagés dans des progressions curriculaires évolutives (par exemple, Chartrand, 2008 ; Nonnon, 2010 ; Thévénaz-Christen et al., 2011 ; Dumortier et al., 2012 ; Dufays & Brunel, dir., 2020); de contenus prescrits, désignés comme « à enseigner » ; ou de contenus réellement « enseignés », élaborés et mis en forme (et en sens) dans des situations d’interaction didactique spécifiques, dans le cadre d’une approche instrumentale et renouvelée de la « transposition didactique » (voir surtout Schneuwly, 1995 ; Schneuwly & Ronveaux, 2021 ; Denizot, 2019). Toutes ces catégories de contenus, résultant de processus complexes (transposition, élaboration, reconfiguration, appropriation, négociation, transmutation, circulation, formalisation, etc.) (Daunay, 2010b), s’ancrent essentiellement dans un jeu de tensions entre prescriptions et théories de références, entre finalités affichées et objets d’enseignement, entre curriculums et pratiques observées (Garcia-Debanc, 2010 : 29-30).

La troisième raison, subsumant les deux premières, concerne l’intérêt porté, de manière avérée, à la constellation notionnelle « discipline », « progression », « disciplinarisation », « modèles disciplinaires en actes » et « configuration didactique », entre autres, comme étant au cœur des voies actuelles de la recherche en didactique du français (Denizot & Garcia-Debanc, dir., 2021). D’un point de vue historico-social, la discipline est l’instrument créé par l’école pour « construire chez l’élève certaines manières de penser, de parler ou d’écrire, de ses comporter dans certains contextes » (Schneuwly, 1995 : 52), et ce « par les nombreux dispositifs didactiques que les enseignants ont à leur disposition pour discipliner et dont l’appropriation par les élèves est l’instrument de la transformation de leurs modes de penser, parler et agir » (Ronveaux & Schneuwly, 2018 : 143). Malgré la tendance actuelle à « la circulation internationale des idées en didactique des langues » (Zarate & Liddicoat, dir., 2009) et, partant, à la diffusion de modèles didactiques abstraits et à prétention universelle, les débats sont vifs aujourd’hui au sein de l’AIRDF sur la nécessité d’approches plus empiriques des contenus de la discipline « français ». Ces contenus sont appréhendés comme des « construits socioculturels », ancrés dans la « forme scolaire » constitutive de la discipline (Schneuwly & Thévenaz-Christen, dir., 2006 ; Vincent, Courtebras & Reuter, 2012 ; Dolz & Schneuwly, 1996). Ils sont médiés par des « genres disciplinaires » (dits aussi « genres scolaires » ou « genres formels ») spécifiant et actualisant sans cesse les pratiques d’enseignement et d’apprentissage, voire les fonctionnements et les configurations de la discipline en elle-même (Schneuwly & Dolz, 1997, 1998 ; De Pietro & Shneuwly, 2003 ; Reuter, 2007 ; Delcambre, 2007a/b ; Schneuwly, 2007b ; Dias-Chiaruttini, 2014, 2018 ; Sales Cordeiro & Vrydaghs, dir., 2016). Ces mêmes contenus font l’objet de constructions au travers de luttes, de compromis et d’adaptations (Reuter & Lahanier-Reuter, 2004/2007), inhérents au processus même de leur « scolarisation » (Denizot, 2013) ou de leur incorporation à la « culture scolaire » (Chervel, 1998, 2005 ; ou tout récemment Denizot, 2021), d’autant plus qu’ils sont susceptibles de circuler entre la discipline « français » et d’autres disciplinaires scolaires (Dias-Chiaruttini & Lebrun, 2020). 

Pour toutes ces raisons théoriques, il est facile d’admettre que la discipline, en tant que notion plus ou moins stabilisée dans le champ des didactiques (a fortiori dans celui de la didactique du français), semble pouvoir aider, à l’instar des différentes notions connexes, à problématiser la question de la construction des contenus d’enseignement et d’apprentissages. Néanmoins, ce que l’on désigne souvent par discipline « français », dans le contexte particulièrement marocain, reste opaque et le risque est grand ici que la notion soit diluée dans des appellations institutionnelles diffuses, peu interrogées en tant que telles, comme « matière de langue française » qui constitue une traduction ad litteram de l’équivalent de la notion en arabe (voir, à titre illustratif, MEN, 2007). À moins d’en rester à une vue figée et ontologique de la « discipline », l’on peut se demander, à frais nouveaux, si l’existence d’élaborations théoriques autour de la notion peut prouver ou non que le français soit en lui-même une discipline dans le contexte considéré, au-delà de l’impression de naturel autour de laquelle la langue s’est instituée dans le cadre étroit des textes officiels, des discours et des pratiques qui semblent les perpétuer. 

LES AXES DE RÉFLEXION

Dès lors, à supposer que la discipline « français » soit encore une notion à opérationnaliser dans le cadre de réflexions contextualisées sur l’objet, ce colloque international propose de penser cette discipline sur la totalité des cursus (du primaire au supérieur), de réfléchir à sa portée du point de vue des valeurs et de leur médiation culturelle ou identitaire, d’envisager toutes ses dimensions langagières et discursives, de mettre au clair toutes ces « (re)configurations didactiques » (Halté, 1992, dans Garcia-Debanc, 2021 : 2-3 ; Reuter & Lahanier-Reuter, 2007, Dans Daunay, 2010a : 25-26), en vue d’une meilleure appréhension ou mise en synergie de ses différentes composantes (ou sous-disciplines). Un tel exercice, qui ne peut se concevoir en dehors de l’adoption d’un point de vue historico-social et épistémologique, exige pourtant des analyses didactiques, tour à tour descriptives et compréhensives, des contenus d’enseignement et d’apprentissages du français, et des modes de leur construction/appropriation. Qu’est-ce qui s’enseigne ou s’apprend réellement sous le signe de la discipline « français » ? Comment identifier et caractériser, plus précisément, les contenus de cette discipline ?

Ce questionnement liminaire donne lieu à trois axes de réflexion :

PREMIER AXE : LES ANCRAGES INSTITUTIONNELS DES CONTENUS DE LA DISCIPLINE « FRANÇAIS »

On interrogera ici le statut et le(s) fonctionnement(s) didactiques de la discipline « français », et l’on tentera d’expliciter les différents espaces où elle s’actualise, au fil des niveaux d’enseignement :

- En quoi le français est-il en lui-même une discipline comme les autres, à laquelle puisse se référer directement la didactique du français, sans trop de difficultés ni d’équivoques? Du primaire au supérieur, le français constitue-t-il une ou des discipline(s)? La détermination de l’objet au singulier (la discipline « français »), aussi dans les textes officiels que dans les pratiques pédagogiques correspondantes, est-elle réellement pertinente ?

- Par quels contenus (savoirs, savoir-faire, valeurs, rapports à, etc.) la discipline « français » se définitelle ? Comment ces contenus s’élémentarisent-ils, se spécifient-ils ou se complexifient-ils selon les contextes institutionnels ? En quoi la structuration de la discipline « français », dans une optique de différenciation ou de hiérarchisation sociale des contenus au fil des différents niveaux d’enseignement, instaure-t-elle des rapports diversifiées à la langue, à son enseignement et à son apprentissage? Quelle (im)perméabilité peut-on observer entre les différents cycles d’enseignement ?

- Dans quelle(s) forme(s) de progression curriculaire s’insèrent-ils ? De quelles significations cette (ces) forme(s) de progression curriculaire sont-elles porteuses ? Comment détermine(nt)-elle(s) la relation de la discipline aux appareillages conceptuels, théoriques et méthodologiques de référence ?

- Les contenus du français institués sont-ils susceptibles de migrations de la discipline « français » à d’autres disciplines (celles dites « non linguistiques », par exemple) dans le même contexte institutionnel, ou d’un contexte à un autre ? Si oui, à quelles conditions ces contenus migratoires peuvent-ils faire évoluer les disciplines au sein desquelles ils viennent s’inscrire ?

- Par quels genres disciplinaires, ces contenus se matérialisent-ils ? Par quels supports, modèles didactiques, approches, outils de travail, gestes professionnels ou activités instituées prennent-ils corps et s’organisent-ils ? - Quelles convergences ou distorsions peut-on observer entre contenus prescrits, contenus recommandés, contenus représentés et contenus actualisés par des pratiques d’enseignement et des activités d’apprentissage (Reuter & Lahanier-Reuter, 2004/2007 : 32) ? 

DEUXIÈME AXE : LES (RE)CONFIGURATIONS DIDACTIQUES DES CONTENUS DE LA DISCIPLINE « FRANÇAIS »

On abordera ici les composantes (ou sous-disciplines) de la discipline « français » et leurs modes d’articulation les unes avec les autres :

- Plus particulièrement, si la tendance actuelle de tout le système scolaire est celle du fractionnement, de la déstructuration et de l’émiettement des contenus de savoir, en raison de l’intégration de la notion de « compétence » aux curriculums (Schneuwly, 2004 : 43 ; Audigier, Tutiaux-Guillon, dir., 2008, dans Daunay & Reuter, 2013 : 24), existe-t-il un « noyau dur » (un domaine et des objets du monde privilégiés, une perspective sur ce découpage, des tensions structurantes et structurelles) autour duquel s’organisent les multiples (re)configurations didactiques du français ?

- S’il est possible, par exemple, de caractériser la discipline scolaire «Histoire-Géographie-Éducation civique» comme étant constituée de trois sous-disciplines suffisamment autonomes pour qu’elles puissent (du moins partiellement) être abordées indépendamment les unes des autres, le français peut-il faire l’objet d’un maniement du même ordre ?

- Quelles articulations possibles peut-on envisager entre les éléments de la triade constitutive, transversalement ou par un processus de « sédimentations » (voir surtout Schneuwly, 2004, 2007a) progressives, de la discipline « français » : discours et connaissances sur langue, pratiques langagières et littérature ? Comment ces articulations sont-elles spécifiées par les fonctionnements socioinstitutionnels et pédagogico-didactiques de la discipline ?

TROISIÈME AXE : LA DIDACTIQUE DU FRANÇAIS À L’ÉPREUVE DES RÉFORMES DE LA DISCIPLINE « FRANÇAIS »

Il sera question ici de d’expliciter les effets des réformes de la discipline « français » sur le déploiement de la didactique du français et l’évolution de ses enjeux de formation et de recherche :

- En quoi la didactique du français, entendue comme champ de formation et de recherche, évolue-telle en fonction des poids attribués, à différents niveaux, à la triade susmentionnée ? Quels sont les effets (explicites ou implicites) des réformes de la discipline « français » sur les choix théoriques et pratiques de la didactique du français ?

- Quelle est la part impartie aux recherches didactiques, en dialogue avec des disciplines contributoires, dans le questionnement, la secondarisation, l’analyse et l’élaboration de contenus de la discipline « français », ainsi que dans la refonte des curriculums, des programmes, des plans d’études, des référentiels ou des modèles et des savoirs sur/pour l’enseignement?

- Comment les problématiques didactiques évoluent-elles et s’articulent-elles aux discours de référence qui les traversent, mais aussi aux demandes sociétales concernant la discipline « français » et aux finalités générales qui lui sont assignées?

- Par quels emprunts scientifiques (concepts, théories ou méthodes) le champ de la recherche en didactique du français à l’université se construit-t-il sa propre légitimité pour interroger les contenus et les contextes d’inscription et d’évolution de la discipline « français »?

- Quels sont les effets des contenus, des modalités et pratiques de formation initiale ou continuée des enseignants, qu’elles soient universitaires (dans le cadre du REMADDIF) ou strictement professionnelles (au sein des CRMEF, des ENS, des ESEF ou de la FSE, par exemple), dans l’appropriation/réappropriation de ces contenus disciplinaires du « français enseigné » et, partant, dans l’optimisation des pratiques d’enseignement ? 

Tout l’enjeu de ce colloque sera de mettre en débat ces questions développées et de faire un point d’étape sur les avancées réelles de la didactique du français comme discipline de formation et de recherche. Les propositions de communication doivent s’inscrire dans l’un des trois axes de problématisation proposés. Il est tout à fait possible que certaines contributions soient axées sur des dimensions historiques et/ou contrastives (entre sous-domaines du français, entre disciplines, selon les cycles d’enseignement, les pays, etc.). Mais il s’agit moins de rendre compte de recherches empiriques déjà effectuées que de les mettre fondamentalement en questions, à la lumière des quelques réflexions, non exhaustives, esquissées ci-dessus.

Références bibliographiques 

AEBY DAGHE, S., & GUERNIER, M.-C. (dir.) (2018). Contextes institutionnels, réformes et recherches en didactique du français. Presses universitaires de Namur, coll. « Recherches en didactique du français ».

AUDIGIER, F. (1986). « Des multiples dimensions de la réflexion didactique ». In Rencontre nationale sur la didactique de l’histoire et de la géographie.

AUDIGIER, F., & TUTIAUX-GUILLON, N. (2008). Compétences et contenus. Les curriculums en question. Bruxelles : De Boeck.

KERVYN, B., LEBRUN, M., MARMY, V. & SCHEEPERS, C. (dir.) (à paraitre). Questionner l’articulation entre théories et pratiques en didactique du français, Collection « Recherches en didactique du français », Volume 14

BRONCKART, J.-P. (1989). « Du statut des didactiques des matières scolaires ». Langue française82, 53-66.

CADET, L., REMY-THOMAS, F., & TELLIER, M. (2006). « Vers une didactique du français transversale et ouverte sur le fonctionnement des langues en classe d’initiation (CLIN) », SpiraleRevue de recherches en éducation, 38, 37-52.

CADET, L. & GUERIN, E. (dir.) (2012). « FLM, FLE, FLS, au-delà des catégories », Le français aujourd’hui, 176, 3-8

CHERVEL, A. (1988). «L’histoire des disciplines scolaires. Réflexions sur un domaine de recherche». Histoire de l’éducation, 38, 59-119.

CHERVEL, A. (1998). « L’histoire des disciplines scolaires ». In A. Chervel, La culture scolaire. Une approche historique (pp. 9-56). Paris: Belin. (Republié de Histoire de l’éducation, 38, 59-119)

CHERVEL, A.  (2006). Histoire de l’enseignement du français du XVIIe au XXe siècle. Paris: Retz.

CHEVALLARD, Y. (2010). « La didactique, dites-vous ? », Éducation & Didactique, 4, 139-147.

DAUNAY B. & REUTER Y. (2008). « La didactique du français : questions d’enjeux et de méthodes », Pratiques, 137-138, 57-78.

DAUNAY, B., REUTER, Y. & SCHNEUWLY, B. (dir.) (2011). Les concepts et les méthodes en didactique du français. Presses universitaires de Namur, Collection « Recherches en didactique du français », Volume 14

DAUNAY, B, REUTER, Y. & THEPAUT, A. (dir.) (2013). Les contenus disciplinaires. Approches comparatistes. Villeneuve-d’Ascq : Presses universitaires du Septentrion.

DAUNAY, B. & REUTER, Y. (2013). « Penser et problématiser les contenus disciplinaires : un enjeu fondamental pour les didactiques »(pp. 21-34). In B. Daunay, Y. Reuter & A. Thépaut (dir.). Les contenus disciplinaires. Approches comparatistes. Villeneuve-d’Ascq : Presses universitaires du Septentrion.

DAUNAY, B., FLUCKIGER, C. & HASSAN, R. (dir.) (2015). Les contenus d’enseignement et d’apprentissage. Approches didactiques‪: Pessac : Presses universitaires de Bordeaux.

DENIZOT, N. (2013). La Scolarisation des genres littéraires (1802-2010). Bruxelles : Peter Lang.

DENIZOT, N. (2021). La culture scolaire : perspectives didactiques. Pessac : Presses universitaires de Bordeaux 

DENIZOT, N. & GARCIA-DEBANC, C. (2021). (dir.). « Concepts et modèles en didactique du français », Pratiques, 189-190. 

DUFAYS, J.-L. (1998). « Texte d'orientation de l'association », La Lettre de la DFLM, 23, 28-31.

DUFAYS, J.-L. & BRUNEL, M. (2020). « La progression dans la lecture des textes littéraires », Repères, 62, 7-13. 

DUMORTIER, J.-L., VAN BEVEREN, J. & VRYDAGHS, D. (dir.). (2012). Curriculum et progression en français. Actes du XIe colloque de l’AIRDF (Liège, 26-28 aout 2010). Presses universitaires de Namur. 

ESSAOURI, M., MABROUR, A. & SADIQUI, M. (2019). L’enseignement-apprentissage du français au Maroc au XXIe siècle. Paris, France : L’Harmattan.

ESSAOURI, M., MABROUR, A. & SADIQUI, M. (à paraitre). Pratiques de classe en contextes francophones. Orientations officielles, défis de la recherche, contraintes du terrain. Paris, France : L’Harmattan. 

FALARDEAU, C., FISHER, C. SIMARD, C., & SORIN, N. (dir.). La didactique du français. Les voies actuelles de la Recherche. Laval: Presses Universitaires de Laval

FORQUIN, J.-C. (2008). Sociologie du curriculum. Rennes : PUR. 

GARCIA-DEBANC, C. (2010). « Curriculums, compétences, progression : une question socialement vive sur l'enseignement de français », La Lettre de l'AIRDF, 47-48, 27-34.

GARCIA-DEBANC, C. (2021). « Configuration didactique, modèles disciplinaires en actes, conscience disciplinaire : validité et valeur euristique de trois concepts de la didactique du français langue première », Pratiques, 189-190 

HOFSTETTER, R. & SCHNEUWLY, B. (dir.) (1999/2001). Le pari des sciences de l’éducation. Bruxelles : De Boeck (Série Raisons éducatives, A, Section des Sciences de l’éducation).

HOFSTETTER, R., & SCHNEUWLY, B. (2014). « Disciplinarisation et disciplination consubstantiellement liées. Deux exemples prototypiques sous la loupe : Les sciences de l’éducation et les didactiques des disciplines ». In B. Engler (dir.), Disziplin - discipline (pp. 27-46). Fribourg : Academic Press.

MARTINAND, J.-L. (1989). « Pratiques de référence, transposition didactique et savoirs professionnels en sciences et techniques ». Les Sciences de l’éducation – Pour l’ère nouvelle2, 23-29.

Ministère de l’Éducation Nationale (MEN). (2007). Les orientations pédagogiques générales pour l’enseignement du français dans le cycle secondaire qualifiant.

NONNON, É. (2010). « La notion de progression au cœur des tensions de l’activité d’enseignement », Repères, 41, 5-34.

REUTER, Y., & LAHANIER-REUTER, D. (2004/2007). « L’analyse de la discipline  : quelques problèmes pour la recherche en didactique », Communication au 9e colloque de l’AIRDF, Québec, août 2004, reprise dans E. Falardeau, C. Fisher, C. Simard, N. Sorin (dir.). La didactique du français. Les voies actuelles de la recherche (p. 27-42). Québec : Presses de l’université Laval.

RONVEAUX, C. & SCHNEUWLY, B. (2007). « Approches de l’objet enseigné. Quelques prolégomènes à une recherche didactique et illustration par de premiers résultats », Éducation et didactique, vol 1 - n°1, 55-72.

RONVEAUX, C. et SCHNEUWLY, B. (dir.). (2018). Lire des textes réputés littéraires : disciplination et sédimentation. Enquête au fil des degrés scolaires en Suisse romande. Peter Lang.

SADIQUI, M. (2020). « Enseignement de la littérature dans les lycées marocains : de la centration sur les genres littéraires classiques à l’apprentissage du goût de la lecture », Recherches en didactique des langues et des cultures, 17-2 

SCHNEUWLY, B., (1995). « De l’utilité de la «transposition didactique». In J.-L. Chiss, J. David & Y. Reuter, Didactique du français (pp. 47-62). Paris: Nathan.

SCHNEUWLY, B. & THEVENAZ-CHRISTEN, T. (dir.) (2006). Analyses des objets enseignés. Le cas du français. Bruxelles : De Boeck.

SCHNEUWLY, B. (2007). « Le « Français » : une discipline scolaire autonome, ouverte et articulée ». In E. Falardeau, C. Fisher, C. Simard & N. Sorin (dir.), La didactique du français. Les voies actuelles de la recherche (pp. 20-35). Québec : Presses de l’Université de Laval.

SCHNEUWLY, B. & DOLZ, J. (dir.) (2009). Des objets enseignés en classe de français: le travail de l’enseignant sur la rédaction de textes argumentatifs et sur la subordonnées relative. Rennes : Presses universitaires de Rennes. 

SCHNEUWLY, B. & RONVEAUX, C. (dir.) (2021). « Une approche instrumentale de la transposition didactique », Pratiques, 189-190

SPAETH, V. (2008). « Le français langue de scolarisation et les disciplines scolaires ». In J.-L. Chiss (dir.), Immigration, école et didactique du français. Paris : Didier.

VINCENT, G., COURTEBRAS, B. & REUTER, Y. (2012). « La forme scolaire : débats et mises au point: Second entretien de Guy Vincent avec Bernard Courtebras et Yves Reuter », Recherches en didactiques, 14(2), 127-143. 

ZARATE, G. & LIDDICOAT, A. (2009) (dir.). « La circulation internationale des idées en didactique des langues », Recherches et Applications, 46.

 

Personnes connectées : 2 Vie privée
Chargement...